Dire que j'étais furieuse était encore un doux euphémisme. Si vous aviez passé une semaine aussi folle que la mienne, je pense que vous seriez dans le même état. Des cernes commençaient à faire leur apparition sur mon visage, témoins de ma fatigue, que je masquais tant bien que mal par quelques coups d'anti-cernes. (Parce que oui, j'ai beau ne pas être une adepte de la mode et de tout ce qui va avec, je ne dis pas non à un peu de maquillage, surtout dans les cas extrêmes comme celui-là). Honnêtement, je devais avoir l'air d'un véritable zombie. Déjà que je n'étais pas aussi douée que j'étais censée l'être au travail, j'espérais ne pas commettre d'erreurs qui pouvaient devenir fatales.

D'ici quelques minutes, ce sera la fin de mon service. Je jetais un coup d'oeil à mon portable et poussais un soupir en y voyant des dizaines et des dizaines de nouveaux messages. La plupart était des menaces... parfois même de mort. J'allais sûrement devoir changer de numéro de téléphone, mais j'espérais ne pas avoir à changer de domicile... J'avais déjà bien du mal à payer mon loyer, même avec l'aide de ma colocataire. En plus de ça, dans la rue, j'étais suivie, par une horde d'adolescentes et de jeunes adultes, poussant des cris stridents, m'insultant même parfois. Techniquement, je n'étais pas vraiment une policière... mais je pouvais quand même dire que c'était un outrage à agent, non ? Et le pire dans tout ça... c'était bien la mère du responsable, qui me harcelait presque pour qu'elle soit sûre que je comprenne bien le fond de sa pensée.

Et maintenant, j'avais en face de moi Nam Min Woo, qui osait encore sourire, le responsable de ma semaine infernale, qui semblait tellement heureux de tout le bazar qu'il pouvait créer. Et dire qu'il avait dit à ses parents que je sortais avec lui, regardez où tout ça m'a mené !

En sortant de mon service, je n'avais même pas pris la peine de me changer, restant en uniforme, et je m'étais instantanément dirigée vers le quartier nord de Séoul. J'avais deux mots à lui dire, à celui-là, et peut-être plus que deux ! J'avais laissé la semaine passer, espérant que les harcèlements cesseraient d'eux-mêmes... mais je me faisais de fausses idées. Il allait falloir se débrouiller seule pour se sortir de cette situation !

Sa question qui faisait office d'accueil me laissa bouche bée. Ne m'asseyant pas malgré son invitation, je le regardais un moment, totalement horrifiée. Et en plus il osait... ! Je ne savais pas pourquoi je retenais ma main de venir rencontrer son visage en ce moment-même !

« ... ce qui... Nam Min Woo, je commence à te connaître, ne te moque pas de moi ! »

Une fois le choc de sa désinvolture passé, c'était plutôt la colère à présent. Ne se rendait-il pas compte de la portée de ses actes ? Je savais bien qu'il n'était pas du genre responsable, mais à ce point-là...

« Est-ce que tu te rends compte à quel point j'ai passé une semaine affreuse, tout ça à cause de ce que tu dis à tes parents ? »

Je restais toujours debout, apposai mes mains sur les bords de son bureau, me penchant légèrement vers lui.

« Pourquoi as-tu fait une chose pareille ?... »

J'avais beau être quelqu'un de naturellement calme et un peu bonne poire, il était mieux de ne pas m'énerver. Enfin, c'était un peu trop tard maintenant pour y penser.

J'étais frigorifiée, ayant bravé la neige qui tombait anormalement en cette période de l'année en uniforme, ce qui n'était pas forcément la meilleure tenue pour affronter le vent et le froid. Je frissonnais, ma peau se rappelant encore des rafales de vent glaciales et des délicats flocons blanc tombant sur mon corps, fondant légèrement sous la chaleur qu'il dégageait. Seulement, je ne laissais rien paraître, du moins j'essayais. J'étais bien trop occupée à essayer de sermonner tant bien que mal ce fils à papa qu'était Min Woo, malgré le fait que je l'appréciais, pas question qu'il détourne la conversation vers le fait que je pourrais tomber malade ou qu'il se moque de moi avec ça. Non, il n'allait pas fuir cette fois, il n'avait pas ses parents pour l'aider. Qu'il affronte un peu les aléas de la vie, ça lui fera du bien ! Qu'il devienne responsable, ça ne lui fera pas de mal !

Néanmoins, même dans cette situation, il arrivait à sourire, à faire comme si de rien n'était. Ses réactions me sidéraient totalement. Comment pouvait-il être aussi calme devant moi qui étais totalement furieuse ? Bon, certes... peut-être n'avais-je pas trop d'autorité, ou mon manque d'expérience en tant que policière jouait aussi. Tout de même, j'étais la femme la plus sérieuse du monde en ce moment-même, et il osait quand même prendre les choses à la légère. Le contraste entre nous deux pouvaient paraître amusant, mais je n'étais pas d'humeur à rire. Pourtant, devant lui, j'avais encore un peu de mal à m'énerver. Min Woo était encore un peu resté un gamin au fond de lui, et mon petit côté maternel, que j'essayais de renier en vain, m'interdisait d'être trop dur avec lui.

Cependant, il semblait sincère lorsqu'il me demandait ce qui m'était arrivé de si grave. Peut-être ne se rendait-il pas compte de la portée de ses actes encore... il devrait pourtant ! Il me lança une phrase d'un air désinvolte, et qui n'avait aucune prétention sur notre situation inversée. Sur le coup, je n'avais su réagir, le regardant d'un air suspicieux. Puis je poussais un soupir qui traduisait ma fatigue aussi bien physique que psychique et me laissai tomber dans le fauteuil qu'il m'avait désigné auparavant, souriant bien malgré moi. Son attitude détachée avait eu raison de moi... Faible que j'étais.

« Je ne sais vraiment pas ce qui me retiens de te mettre une droite bien placée en ce moment... »

Je n'étais pas sérieuse évidemment. Quoique... ce n'était pas l'envie qui manquait, mais je n'allais pas le faire. Il avait réussi à me calmer quelque peu. Qui sait quand j'allais m'emporter de nouveau ?... Pour le moment, je profitais de cette quiétude pour me calmer les nerfs.

Finalement, pour répondre à sa question posée plus tôt, je déposais mon portable devant lui sur son bureau, où figuraient des centaines et des centaines de messages de menace et de harcèlement. Je me laissais aller contre le dossier confortable du fauteuil, cachant on visage de mes mains, fermant les yeux.

« Tes fans sont dingues... elles m'ont poursuivie dans la rue en m'insultant à chaque pas que je faisais. Enfin, le pire... ça doit être ta mère qui s'est pointée chez moi plusieurs fois en me disant que je n'étais pas assez bien pour toi, que je devais abandonner, que je ne recherchais que la fortune, et tout ce qui va avec. »

Je laissais échappé un rire, mais qui m'était plus destiné qu'autre chose.

« Comme si c'était mon genre ! »

Ayant réussi à refouler mes pulsions "violentes" pour quelques minutes encore, j'étais désormais un peu plus détendue qu'auparavant. Je ne savais pas du tout sur quel pied danser avec Min Woo, comme on dit. Difficile de savoir lorsqu'il est sérieux ou non, vu qu'il a l'air de toujours tout prendre sur le ton de la plaisanterie. Je l'enviais d'être aussi désinvolte, quelque part. Lui n'avait pas une double vie à gérer, une fausse identité à gérer, un travail qui n'était pas vraiment le mien à gérer... Lui avait tout eu depuis le moment-même où il était né. Mais enfin, après tout, je ne devais pas me plaindre. C'était moi qui avait choisi ce genre de vie, il était inutile de blâmer le jeune homme pour quelque chose qu'il n'avait pas fait et dont il n'était pas responsable. Il avait simplement eu plus de chance que les autres. Du moins, ses parents avaient eu plus de chance et lui en avait hérité. Mais était-il vraiment heureux avec une vie comme la sienne ? Je n'avais pas la réponse à cette question.

Ses réactions eurent quand même le mérite de me faire rire et j'en oubliais presque ma situation. Et même avec ça, il trouvait encore le moyen de me sortir que ses fans étaient folles de lui... eh bien je me demande bien pourquoi ! Est-ce que, seulement, elles connaissaient vraiment la personne qu'était Min Woo ? Si elles l'apprenaient, seraient-elles aussi fanatiques ? J'en doute. Enfin, tout est possible. Néanmoins, ses excuses ne passèrent pas inaperçues à mes oreilles et je me doutais bien que je devais être l'une des seules personnes au monde qui avait pu les entendre, vu l'orgueil dont il pouvait faire preuve. Je souris pauvrement. De simples excuses n'allaient pas tout régler... mais je suppose que c'était mieux que rien. Le reste allait forcément s'arranger... du moins j'espère. Allait-il réellement tenir sa promesse ?

Visiblement, il semblait décidé à mettre fin à ce mensonge qui, avouons-le, ne tenait pas vraiment la route. Comment un fils de riche pouvait s'intéresser à une simple policière qui peine à payer son loyer chaque mois même avec l'aide d'une colocataire ? A moins de refaire une sorte de Roméo et Juliette, c'était impossible. D'autant plus que nos personnalités ne pouvaient s'allier. Il avait vraiment choisi la mauvaise personne pour s'inventer une vie, n'est-ce pas ? Je levai les yeux au Ciel, agacée, quant à sa décision pour en finir avec cette histoire. Evidemment, c'était lui qui allait me larguer.

« Tu veux faire ton mauvais garçon jusqu'au bout, n'est-ce pas ? Tu as vraiment une fierté mal placée ! »

Néanmoins, même si j'étais sérieuse, il ne fallait pas qu'il se vexe. Mon sourire en était la preuve. J'étais plutôt soulagée de savoir que cette semaine digne d'un séjour en Enfer n'allait pas se répéter. J'observai les traits de son visage. Pourquoi voulait-il tellement avoir une fausse petite amie ?

« ... tu sais, à part les fans, ça ne me dérangeait pas, il aurait juste fallu m'en parler avant d'annoncer un truc pareil... »

... Oh mon Dieu, qu'est-ce que je raconte ? Ces mots avaient franchi la barrière de mes lèvres malgré moi et le visage maintenant rouge d'embarras, je ne savais plus du tout où me mettre. Pitié, à l'aide ! Venais-je vraiment de lui annoncer qu'endosser un pareil rôle ne me dérangeait pas du tout ? Que quelqu'un me tue ! Tandis que je continuais de virer au rouge, je détournai vivement le regard, trouvant les murs soudainement dignes d'intérêt.

« ... fais comme si je n'avais rien dit. Je n'ai pas le temps pour une relation amoureuse, encore moins une fausse, j'ai trop de travail, et déjà beaucoup de mal à me faire passer pour une vraie policière ! »

A peine quelques centièmes de secondes après cette révélation, je plaquai mes mains sur mes lèvres. Qu'on me tue. J'enchaînai les gaffes. Je m'étais emportée, si bien que je disais absolument tout le fond de ma pensée. Maintenant, Min Woo était au courant de mon secret. Oh. Mon. Dieu.